28 janvier 2008

Hessen hat gewählt : bilan des élections régionales de Hesse

Ce que beaucoup craignaient est arrivé...
Le 27 janvier 2008 avait lieu l'élection du Parlement du Land de Hesse (celui de Francfort), et représentait, avec l'élection simultanée du Land de Basse-Saxe (Hanovre), un test pour la coalition rouge-noire (SPD-CDU) au pouvoir à Berlin.

Les résultats en Hesse achèvent une campagne extrêmement dure, très polarisée, entre deux camps soudés et un trouble-fête. D'un côté, le Premier Ministre sortant, Roland Koch, usé par 9 année de gouvernement et positionné sur l'aile droite de la CDU, affrontait la leader sociale-démocrate, Andrea Ypsilanti, qui est une des figures de l'aile gauche du SPD : à ces deux partis étaient adossés le partil libéral (FDP) pour la CDU, le parti vert (Grüne) pour le SPD. A la gauche se présentait le nouveau parti héritier des communistes et des luttes sociales Die Linke.

La campagne menée par M. Koch fut fidèle à lui-même : en 1998 il emporta le Land en faisant signer une pétition contre l'acquisition de la double-nationalité par les Turcs ; cette année il a tenté de renouveler l'essai en stigmatisant la "délinquance juvénile issue de l'immigration". Il n'a pas hésité à ne baser sa campagne que sur la sécurité, allant jusqu'à réveiller les pires instincts (xénophobes) des hessois, en voulant couper en deux la société (la Hesse compte 25% d'étrangers, dont moi...). Ses dernières affiches écrivaient : stoppons Ypsilanti, Al-Wazir [leader des verts hessois] et les communistes. Le clin d'oeil à l'origine non germanique des patronymes était évident.

Dans le camp d'en face, la SPD a mené campagne sur le salaire minimum, l'éducation (priorité des électeurs selon les sondages) et l'environnement, avec un programme ambitieux et à maintes égards côuteux.
Mais l'élection ne s'est pas joué sur les programmes, et plutôt sur la figure de Roland Koch.

Les sondages de la dernière semaine donnaient SPD et CDU au coude à coude à 37%, les Verts à 7-8%, les libéraux à 9%, la gauche radicale à 5-6% (et donc entrant au Parlement, car il faut obtenir 5% pour y avoir des élus).
Jamais ceux-ci n'ont été aussi justes : après longtemps avoir été donnée perdante, la CDU gagne avec 36,8% des voix, perdant 12 points (chute historique !) devant la SPD avec 36,7 % (+7 points). Les libéraux profitent de la baisse de la CDU et gagnent 2 points à 9,3%, tandis que les Verts ne bénéficiaent pas de la bipolarisation en perdant 2,5 points à 7,5%. La semi-surprise vient de l'entrée au Parlement de la gauche radicale avec 5,1%. Soit 3000 électeurs qui ont fait passer la Linke au-dessus de 5% et permis son entrée et rendent les événements à suivre extrêmement compliqués.
Soit en sièges CDU : 42 ; FDP : 11 ; SPD : 42 ; Grüne : 9 ; Linke : 6.

Au jeu des coalitions, aucun des deux camps annoncés (CDU-FDP ou SPD-Grüne, ceux-ci refusant par avance toute alliance avec la gauche radicale) ne peut gouverner.
Les spéculations vont désormais bon train. Si la CDU est en tête (le parti arrivé en tête recoit traditionnellement en Allemagne le mandat de constituer un gouvernement), on voit mal Koch se maintenir au pouvoir, car il a subi une éclatante et méritée défaite. Les critiques au sein de la CDU fusent, comme celles de la maire de Francfort (qui dirige la ville en coalition avec les Verts), annoncant que la campagne sur la délinquance juvénile ne correspond pas à la mentalité libérale de la capitale financière...
Une coalition rouge-rouge-verte est exclue, car ni SPD ni Verts ne veulent être otages des communistes.
Une coalition "jamaicaine" (noire-jaune-verte [couleur du drapeau du pays], avec CDU, libéraux et Verts) est exclue du fait des Verts, du moins en Hesse, au vu du profil de la CDU hessoise, très droitière.
Une coalition "feu tricolore" (rouge-jaune-verte avec SPD, libéraux et Verts) n'est pas souhaitée par les libéraux pour des raisons programmatiques.
Il ne resterait qu'une grande coalition, comme à Berlin, entre CDU et SPD. Là, c'est le SPD qui refuse, d'autant plus en travaillant avec Roland Koch.
Si rien de tout cela n'est possible, on s'oriente vers de nouvelles élections.

Mon pronostic : la démocratie allemande est bien faite, et les 2 grands partis vont devoir prendre leurs responsabilités, et gouverner ensemble. La question du personnel politique et du programme sera essentielle, surtout à la CDU...
Tout autre coalition (on pense à une coalition du centre aux communistes, ou à la "Jamaique" ou au "feu tricolore") aurait un impact politique trop important à Berlin, préjugeant de situations possibles après les élections nationales de fin 2009, pour pouvoir être mise en place.

Le gouvernement CDU sortant gouverne jusqu'au 5 avril. D'ici là, nul doute que de nombreuses negociations et discussions auront lieu et permettront de dégager une ligne.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Billet Passionnant!

J'aime beaucoup l'analyse multicolore (lol) des coalitions possibles... C'est vrai que le système allemand est bien fait et qu'il semblerait logique de s'orienter vers une grande coalition, qui ne serait que le reflet de la politique nationale. Dans ce cas de figure j'imagine que Koch se retirerait (un peu comme Schroeder au niveau national), non?

Plusieurs questions (suis un lecteur exigeant, lol):
- sais-tu quelles sont les différences programmatiques qui empêchent un accord FDP-SPD-Verts... (cette configuration serait envisageable en France MoDem-PS-Verts lors de futures élections, d'où l'intérêt de la question)
- les élections en Basse Saxe ont-elles un impact national ou pas du tout?

PS j'ai mis un lien en haut de page de mon blog vers ce billet (vais le laisser une semaine)

Anonyme a dit…

@ arnaudH
C'est surtout dans le Land du Hesse, le point crucial de ces élections : le système judiciaire est complètement à revoir.

Florian Chiron a dit…

Arnaud,
l'analyse multicolore des coalitions est la traduction littérale de l'imagination des allemands...

En réponse aux questions :
1) Basse - Saxe : érosion de la CDU mais victoire, aussi grâce hausse du FDP. SPD en chute à moins de 30% et Grüne en hausse légère. Linke rentrent au Parlement avec 7%. On en retient une certaine symétrie avec politique nationale, car M. Wulff a plutôt un profil "centriste" à la Merkel et le SPD du cru est peu agressif. CDU-SPD s'érodent au profit des 3 autres, ce qui est logique. Ce qui fait dire que le scrutin de Hesse a une odeur particulière vu la violence de la campagne. Une lecon à retenir pour la CDU pour 2009.

2) la coalition "feu tricolore" est délicate en Hesse car les différences programmatiques sont très nombreuses :
a) éducation (maintien du système actuel avec sélection des enfants en 3 types d'écoles après 10 ans pour FDP, collège unique jusqu'à 14 ans pour SPD et Grün).
b) aéroport (agrandissement pour FDP et SPD ; vols de nuit pour FDP, rien de tout ca pour Grün) et transport (+ autoroutes pour FDP ; refus de nouvelles constructions et investissement dans transports en commun pour Grünen).
c) énergie (100% énergies renouvelables en 2028 pour Grünen, maintien du mix pour FDP avec relance du nucléaire et du charbon, refus du nucléaire mais transit charbon pour SPD).
d) social et travail (revenu minimum pour SPD ; refus pour FDP)

Ca fait beaucoup de différences et peu de domaines où un accord peut être trouvé : libertés publiques, sécurité, finances.

@Chris : je n'ai pas suivi les débats sur la justice... je sais seulement que Koch a coupé les budgets...

Anonyme a dit…

Merci beaucoup pour les précisions ;)

Anonyme a dit…

Le système allemand est bien fait certes, mais je pense que l'irruption des Linke va rendre des Länder ingouvernables. En Hesse, je ne vois pas comment ils vont s'en tirer, et en tout cas une chose est sure: "die Linke" représente un "trou noir" dans le parlement hessois. Rien n'en sortira...

Anonyme a dit…

Je partage l'analyse. Je crois a de nouvelles elections ou a rot-rot-gruen (finalement Ypsilanti n`est pas si eloignee de Die Linke a l`ecouter). Die Linke va alors pouvoir mettre la pagaille...
A moins que Koch ne fasse ses valises et qu'une orientation moins "droite dure" prenne le relai en Hesse. Dans ce cas, la redemption viendra par de nouvelles elections.