15 avril 2007

clivage gauche-droite, où es-tu ?

Cette semaine riche en évnénements de campagne m’a fait réfléchir sur le clivage gauche-droite.

Tous les candidats, sans exception, ont tapé sur Francois Bayrou cette semaine, dans les médias, le traitement de l’information est fait sous le prisme « Ségo-Sarko », en tentant de remettre en place le clivage gauche-droite.

Je vous donne joint un florilège de déclarations sur Francois Bayrou et le clivage gauche-droite, entendues cette semaine :

  • Marie-George Buffet, sur France 2 : « Francois Bayrou est un homme de droite » qui mènera « une politique libérale comme MM de Villepin et Raffarin »
  • Nicolas Sarkozy dans Libé : « François Bayrou est devenu un candidat de gauche » et dans le même article : « Ségolène est plus à droite que Jospin, je suis plus à droite que Chirac, Bayrou est plus à droite que Lecanuet ». Lecanuet devait être un gauchiste menaçant à l’époque, donc.
  • Jean-Marie Le Pen au Figaro : « les candidats savent bien que je suis le rival qui peut leur prendre des voix. Donc Sarkozy vient sur mon terrain le premier. Ségolène Royal suit Sarkozy et tout le monde court derrière moi. » et, dans son style inimitable, « Francois Bayrou est l’homme qui parle à l’oreille des chevaux, mais moi, je suis celui qui parle à l’oreille des électeurs. »
  • Ségolène Royal a choisi d’ignorer formidablement Francois Bayrou ainsi que tout référence à la gauche, sauf « à lui faire confiance pour la mettre en tête au premier tour ».
  • Nicolas Sarkozy a relevé dans son meeting de Toulouse que "ces valeurs de la gauche de jadis, j'ai voulu que la droite républicaine, qui les avait trop négligées, les reprenne à son compte au moment où la gauche les abandonnait".
  • Francois Bayrou, à la question du journal Métro sur son positionnement gauche-droite : « J’ai des valeurs sociales plus fortes que beaucoup de gens de gauche, mais je suis pour l’efficacité. Inversement, tant qu’on n’a pas réduit le déficit et la dette, il ne saurait être question de baisser les impôts. Il faut faire des choses sérieuses et responsables »

La question est donc : où est la gauche, où la droite aujourd’hui ? Je pense que la question se pose surtout autour de la gauche, qui a perdu la majeure partie de son électorat populaire, au profit de Jean-Marie Le Pen et de Nicolas Sarkozy. L’électorat socialiste traditionnel est composé d’une classe moyenne relativement peu défavorisée, car la partie de la population qui a souffert depuis 30 ans a aussi été victime de cette politique de la gauche.

La gauche a en quelque sorte trahi son électorat habituel : promesses non tenues, privatisations, 35h qui ont diminué le pouvoir d’achat. La chute, et prochaine mort du PCF, en est une preuve majeure. Et ce qu’elle a perdu dans l’électorat populaire, elle ne l’a pas regagné dans l’électorat de classes moyennes supérieures.

Si le clivage gauche-droite est de moins en moins visible, c’est principalement la faute de la gauche, qui a été élue sur des promesses généreuses et n’a jamais été dans la possibilité de les faire appliquer. Le programme dispendieux de Ségolène Royal va dans le même sens : des promesses de dépenses ne seront pas tenues, car (je cite par avance Francois Hollande le 10 septembre 2007) « la droite a laissé un tel bilan qu’on ne peut mettre en place nos mesures car il n’y a plus de sous ». La gauche, en se comportant ainsi, est dans une démarche de suicide. Si nombre de ses électeurs, dont je suis, sont partis rejoindre Francois Bayrou, c’est qu’ils en avaient assez de voir cette politique menée à l’encontre du programme. La gauche a du mal a parler d’argent, d’enrichissement personnel, d’entreprise à ses électeurs, alors que ses dirigeants sont au contact avec les puissances économiques du pays. Elle pratique le libéralisme tout en le dénonçant. La droite n’est pas en reste avec ses fausses promesses de baisse d’impôt et de baisse des deficits.

Cette situation n’est pas nouvelle, Bayrou la condamne dès 1999 lors d’un débat avec Sarkozy et Hollande (vidéo de 2 minutes, très intéressante):

http://www.dailymotion.com/buildfreedom/video/x1oejg_duel-bayrousarkozy-1999-uncut

On le voit dans l’affaire des « patrons-voyous », ces patrons qui licencient et ferment des usines de manière sauvage tout en en empêchant la reprise, dénoncés mardi soir par Francois Bayrou. Ces patrons qui partent avec des ponts d’or sont responsables de la défiance des francais envers les entreprises. On le voit avec Forgeard.

Sur ce thème, le PS, accoquiné avec les puissants, n’a jamais rien fait, car il a sa part de responsabilité dans cet état d’esprit qu’il cherche aussi à cultiver, cela lui donne des voix. L’UMP elle a tous ces grands patrons dans son giron, cautionnant tous leurs écarts. Bien sûr, ces deux partis s’indignent, mais qui agira en tapant au bon endroit ? Royal dit que Forgeard doit rendre l’argent, et alors ? Elle surfe sur une émotion sans en tirer les conséquences globales que seules Bayrou tire : c’est en interdisant et en punissant durement les comportements scandaleux de 1% des patrons (ces patrons-voyous) qu’on rendra aux 99% des autres leur honneur perdu.

On le voit donc, et les exemples sont innombrables, que la gauche est dans une situation difficile. Il n’est pas exclu que sa représentante, Mme Royal, gagne, cela n’est en aucun cas annonciateur de lendemains qui chantent.

La droite, elle, représentée par Sarkozy, voit que son positionnement habituel (l’ordre, l’entreprise, la liberté individuelle) est aussi rogné par Francois Bayrou. Alors elle part toujours plus à droite, soucieuse de récupérer les voix de l’extrême-droite, oubliant au passage certains principes sociaux et humanistes qui sont ceux de la France. Certains parlent même d’alliance UMP-FN, Le Pen fait des appels du pied à l’UMP, l’UMP, en promettant subitement un dose de proportionnelle aux législatives, aussi (c’est une interprétation de cette promesse).

Je ne fais pas partie de ces vierges effarouchées qui disent « oulala c’est scandaleux que la droite s’accoquine avec l’extrême-droite ». Si l’UMP veut faire un accord électoral avec le FN (ce auquel je ne crois pas à court terme), OK. Le PS avait bien fait un accord avec le PCF, le RPR avec l’UDF. Par contre, il faut le dire avant, que les électeurs aient le choix de cautionner ou pas cette alliance. Sinon, on est encore dans le mensonge.

Pas étonnant dans ce contexte de dissipation lente du clivage gauche-droite (dissipation qui pousse la gauche et la droite traditionnelle à aller vers les extrêmes pour marquer encore la différence) que Francois Bayrou ait un succès important. Faire travailler ensemble des politiques qui sont dans des camps différents et qui ont plus de similitudes entre eux qu’avec des membres de leur propre parti est souhaité par beaucoup. Combien de gens de gauche disent : « je suis décu par le PS, j’hésite entre Besancenot et Bayrou et j’aime bien Borloo » ? Combien à droite pensent « je vote Sarkozy car c’est mon camp, mais Strauss-Kahn et Kouchner, quel dommage qu’ils ne puissent travailler avec Bayrou ou Barnier » ? Les clivages s’estompent, il n’y a qu’un seul candidat qui le dit.


Le symbole de son état d’esprit, on le trouve dans son livre, « Projet d’espoir » : lors de son arrivée en 1993 à l’Education Nationale, on lui donne des listes de fonctionnaires « de gauche », à virer bien sûr. Il convoque un haut fonctionnaire du ministère, catalogué à gauche, qui, connaissant son sort, lui explique librement les problèmes qu’il voit dans l’enseignement supérieur, sa vision des choses etc. Une heure après, Bayrou lui dit : »je vais vous présenter votre successeur : ce sera vous-même ».

Si tant de gens, décus par la gauche et la droite, se replient soit vers les deux extrêmes, soit vers Bayrou, c’est que la gauche et la droite n’ont jamais eu de langage de vérité en période électorale. C’est ce langage de vérité, pas forcément facile ni à dire ni à entendre, que Francois Bayrou s’est engagé à tenir. C’est en cela qu’il m’a séduit, et c’est en cela qu’il constitue un espoir.

Je vous souhaite un bon week-end.

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