7 janvier 2009

Modèle industriel et dommages collatéraux de l´Agenda 2010

Dernière partie du document de Jean-Philippe Zecevic, Vice-Président du MoDem Allemagne

Si les faiblesses les plus importantes de l'économie allemande ont trouvé avec l'Agenda 2010 un début de solution, on a vu que ces solutions relèvent essentiellement du court terme et que la conjoncture extérieure a manifestement aidé à faire passer bien des pilules. Le timing des marchés et des mesures a donc été parfait puisqu'il a permis d´engager des réformes courageuses, voire brutales, qui ont pu être transformées immédiatement en résultats financiers, facilement mesurables et communicables.

Les succès immédiats de l'Agenda n´ont pas apporté de solutions durables aux faiblesses structurelles de l'économie allemande qui vit encore de ses acquis historiques en termes de produits, de compétences et d'expertises et enfin d'un modèle de Business qui concentre toute la gestion des intrants de production en amont et les activités de recherche et de développement sur l'Allemagne, laissant ainsi aux filiales en aval à l'étranger le soin de commercialiser les produits made in Germany. Ce modèle de Business conduit inexorablement à délocaliser tous les emplois qui ne relèvent pas directement de la recherche et du développement, du design et du contrôle qualité. On est loin de l'entreprise globale de type nord américaine ou encore française qui recherche, produit et vend globalement, mais qui tire une partie de plus en plus importante de ses revenus de la propriété intellectuelle sous formes de management, d'innovations, de patentes, de marques, de marketing et d´engineering financier organisés globalement.

Comme l'indiquent Lionel Fontagné et Guillaume Gaulier dans le rapport du Conseil d'Analyse Economique – Performance à l'exportation de la France et de l'Allemagne- « Pour faire image, les producteurs allemands ont choisi le modèle industriel de la Porsche Cayenne, les français celui de la Logan, la première étant conçue et assemblée en Allemagne à partir de pièces détachées fabriquées à l'Est, tandis que la seconde est produite exportée, pour l'essentiel, depuis la Roumanie.»

Le modèle industriel en place en Allemagne favorise la délocalisation continue de pans entiers de l'économie comme cela se produit actuellement en Bade-Wurtemberg. La solution du problème de l'employabilité de la population revient à généraliser les contrats dits « atypiques » puisqu'ils n'offrent que des revenus d'appoint nécessitant un complément d'aide publique pour prospérer socialement. Beau paradoxe que ce modèle industriel incapable de faire vivre ses anciens voire nouveaux travailleurs.

En exacerbant les conséquences de ce modèle industriel, l'Agenda 2010 est directement responsable de la fracture sociale et politique que connait l'Allemagne actuellement. Dans son dernier rapport publié en 2008 et intitulé « Croissance et inégalités », l'OCDE conclut que les inégalités sociales se sont aggravées en Allemagne, et pour les revenus salariaux des ménages et pour les revenus du travail indépendant. Ce constat de paupérisation parallèle frappant à la fois les classes modestes et les classes moyennes est confirmé à son tout par la DIW de Berlin dans son bulletin mensuel de mars 2008 sous le titre «disparition de la classe moyenne-signe d'une polarisation des revenus disponibles?»

Enfin, ce modèle industriel est difficilement compatible avec toute initiative anti-crise coordonnée au niveau des partenaires politiques européens, puisque sa logique est celle fondamentalement du cavalier seul et celle d'une globalisation comprise comme une classique division du travail entre clients et fournisseurs.

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