17 décembre 2008

Bilan du retournement engagé par l´Agenda 2010

3e partie du document réalisé par Jean Philippe Zecevic, Vice-Président du MoDem Allemagne.

1- Forte Croissance limitée aux exportations

Selon le rapport de la « commission des experts » auprès du gouvernement en date du 12 Novembre 2008, les taux de croissance du PIB, de l´emploi et de la rémunération des salariés restent inférieurs et entre 2000 et 2007 et entre 2004 et 2007 (mise en place des mesures de l´Agenda 2010) pour l´Allemagne aux moyennes observées dans l´Union Européenne des 15, aux USA et en Grande-Bretagne.

Avec 9,3 % en moyenne annuelle, le taux de croissance des exportations de l´Allemagne dans la même période surpasse entre 2004 et 2007 les taux observés dans les pays ci-dessus en y incluant cette fois le Japon.

L´Allemagne a su profiter pleinement de la conjoncture commerciale mondiale et renforcer ses parts de marchés avec son portefeuille historique de produits (Product Mix) dans les segments de la haute technologie et plus particulièrement du haut de gamme des produits et services. Dans son rapport émis en 2008 et portant sur la « Performance à l´exportation de la France et de l´Allemagne », le Conseil d´Administration Economique donne les chiffres révélateurs des variations de parts de marchés de l´Allemagne dans le commerce mondial entre 1995 entre 2005 :

Les parts de marchés dans les produits Haute technologie et de haute Gamme gagnent respectivement 0,18 et 0,29 points de pourcentage au détriment des produits de basse et de moyenne technologie faisant ainsi de l´Allemagne avec 8,2 % le numéro 4 mondial pour l´exportation de produits de haute technologie - dernière les USA, le Japon et la Chine- mais le numéro un mondial dans le domaine des produits de haut de Gamme (15,2 % du commerce mondial fin 2005).

Quant à la consommation des ménages, elle a quasiment stagné voire s´est même contractée en valeur réelle puisque sa croissance nominale reste inférieure à l´inflation en augmentant de 5,7 % sur 3 ans.

L´Allemagne a donc eu la chance de voir ses trois grands classiques que sont l´automobile,

la machine-outil et la chimie, qui ensemble représentent 50,5 % du total des exportations en 2007, être fortement demandés par des pays émergeants qui voient leur croissance s´envoler à partir de 2003 pour dépasser la barre des 7 % annuels entre 2004 et 2007. Les gouvernements Schröder et Merkel ont su saisir cette opportunité pour reconsidérer immédiatement la structure de coûts du pays quitte à accepter un gel absolu de la consommation des ménages et une surexposition de sa croissance au marché mondial.

2- Formation supérieure et scientifique

Comme l´indique la présentation officielle de l´Agenda 2010, la part des étudiants inscrits en première année universitaire fin 2003 représentait 35 % d´une classe d´âge contre en moyenne 47 % dans les 30 pays de l´OCDE. Fin 2007, les chiffres respectifs sont de 36 % pour l´Allemagne et de 56 % en moyenne de l´OCDE.

Si les pays de l´OCDE investissent en 2005 en moyenne 6,1 % de leur PIB dans l´enseignement, le chiffre n´est que de 5,1 % pour l´Allemagne. Selon le même rapport de l´OCDE, le nombre de diplômés de formation scientifique est de 1649 pour 100.000 actifs dans la classe d´âges des 25 à 34 ans contre 1423 en Allemagne.

L´Agenda 2010 n´a pas réduit ce déficit à long terme mais a préféré faire ici des économies de bouts de chandelle. Comme le dit le Centre Européen de recherches (ZEW) dans son étude sur la compétitivité technologique globale parue en Juin 2007 : « L´Allemagne ne peut gagner la compétition technologique avec les pays émergents qu´en se plaçant clairement du côté de l´innovation et non en essayant de faire des économies ».

A Ce problème de financement s’ajoute un problème institutionnel, à savoir qu’en Allemagne l’enseignement supérieur est tributaire de l’état de santé des 16 Länder, qui ont choisi pour la plupart d’entre eux de mener une politique de frais universitaires élevés, limitant ainsi un peu plus l’accès aux élites allemandes à l’Université.

3- Hausse des impôts des particuliers et des entreprises et équilibre des finances publiques

Si la dette publique en valeur absolue et en pourcentage du PIB s´est accrue fin 2007 par rapport à 2003 passant ainsi de 63,8 % à 65 %, il y a incontestablement progrès si l´on compare ce dernier chiffre avec celui de l´endettement de l´Etat fin 2006 qui s´établit lui à 67, 6 %. Tout est donc question de perspective !

L´Allemagne finit l´année 2007 avec un excédent budgétaire de 0,4 Milliard d´Euros.

Malgré les différentes réformes fiscales annoncées, la tendance à la hausse des prélèvements fiscaux n´a pu être enrayée, augmentant même continuellement depuis 1997 pour atteindre 24,3 % du PIB en 2007. Au total, les prélèvements obligatoires (impôts et assurances sociales) ont légèrement augmenté, s´établissant à 40,2 % et à 40,8 % du PIB fin 2004 et fin 2007. Dans cette même période, on remarquera que la baisse de la part des cotisations sociales de 17,9 à 16,5 % dans ce chiffre n´a pu compenser complètement la hausse parallèle des impôts.

Selon le rapport de la commission des experts précité, la consolidation des finances publiques résulte d´une situation conjoncturelle de l´économie mondiale favorable au Product Mix allemand et de l´accroissement corrélatif des recettes fiscales.

Cette situation tout à fait remarquable en termes de timing est la conséquence d´une part d’une véritable explosion des revenus des entreprises et des capitaux qui progressent de 535,2 à 643,5 milliards d´Euro entre 2004 et 2007, dépassant pour la première fois dans l´histoire de l´Allemagne le total des revenus nets des salariés (les chiffres correspondant se situant respectivement à 603,3 et 623, 4 milliards) et d´autre part de l´ augmentation de la pression fiscale sur les ménages et plus particulièrement sur les classes moyennes par le jeu simultané de la diminution d´abattements (dont l´abattement pour frais de transport entre domicile et lieu de travail qui vient d´être déclaré irrecevable par la cour constitutionnelle), de l´augmentation des impôts à la consommation (TVA et impôt sur les transactions d´assurance), et du non ajustement des barèmes fiscaux en vigueur dans le calcul de l´IRPP.

Comme le remarque le « Conseil des experts » dans son rapport de Novembre 2008, les

consolidations des finances publiques par augmentation des recettes « sont moins durables que les stratégies visant le train de vie de l´Etat et sont même parfois dangereuses puisqu´elles peuvent donner l´impression d´un nouveau confort incitant à une nouvelle spirale des déficits… ».

4- Formation professionnelle

Depuis 2003 la formation professionnelle financée directement par l´Agence pour l´Emploi a été progressivement réduite des deux tiers. En 2007, les mesures de formation prises en charge par le service public n´auront ainsi concernées que 123.000 jeunes de moins de 25 ans, chiffre à comparer avec les 350.000 fin 2002.

De moins en moins d´entreprises allemandes –environ 25 % des entreprises fin 2007- forment des apprentis dans le cadre de la formation professionnelle dite duale. Sur un total de 950.000 jeunes qui quittent l´école ou le lycée chaque année, environ 35 % - soit environ 330.000 jeunes- s´inscrivent en université ou en établissements d´enseignement supérieur. Les contrats de formation avec les entreprises, contrats qui permettent l´accès à une formation professionnelle dite duale n´ont concerné que 320.000 jeunes en 2007.

Ainsi 300.00 se sont retrouvés sans aucune formation professionnelle cette année. Conséquence du désengagement de l´Agence pour l´emploi et du nombre de plus en plus faible des contrats de formation intra- entreprise, le pourcentage de jeunes de 20 à 29 ans sans formation professionnelle représente désormais 15 %.

5- Marché du travail

D´abord quelques chiffres qui permettront de mieux comprendre les enjeux.

Entre 2004 et 2007, le nombre de salariés soumis aux cotisations sociales obligatoires est resté quasiment constant pour s´établir à 26,616 millions de personnes fin 2007.

Selon le rapport mensuel de la Bundesbank en date d´Avril 2008, le nombre de salariés travaillant hors Allemagne pour des sociétés appartenant majoritairement ou minoritairement à des groupes allemands est passé de 7,377 en 2004 à 8,159 millions en 2006, soit une augmentation de 10,6 %.

La délocalisation progressive de la production en amont est illustrée plus massivement encore par la part des importations des biens intermédiaires dans le total des importations. Ces biens sont donc importés pour être réexportés. Selon Eurostat-Comext, les chiffres pour l´Allemagne et la France sont les suivants pour la période 2004 à 2006 : de 53 à 56 % et de 49 à 50 %. Depuis 2000, l´Allemagne est le pays européen qui délocalise le plus massivement ses activités de production en amont. A positionnement technologique constant, l´industrie allemande a parfaitement compris l´avantage compétitif additionnel qu´elle pourrait tirer d´une gestion rigoureuse de ses coûts et ainsi de ses marges. A la politique d’externalisation en amont est venu s´ajouter la possibilité de créer en Allemagne un secteur de salaires bas et précaires : l’industrie allemande devient de plus en plus une machine à pressurer les coûts.

C´est donc dans ce contexte de compétition par les prix à Product Mix donné que s´est posée la question de l´employabilité de la population allemande.

Et la réponse de l´Agenda 2010 n´est autre que de réduire massivement les coûts salariaux en Allemagne pour au moins maintenir l´emploi, quitte à créer des emplois non rémunérateurs devant être subventionnés par le contribuable. Ce sont les fameux Kombi -Löhne.

La proportion de salariés cotisant aux assurances sociales obligatoires et sous contrat précaire (travail à temps partiel, CDD autorisés depuis 2004 jusqu´á 4 ans ou encore travail à rémunération inférieure à € 400 bruts) sous conditions contractuelles dites « atypiques » est ainsi passée de 28 à 32 %. En y ajoutant le pourcentage de salariés sous contrats d´intérim dont le nombre a triplé depuis 2004 du fait de la suppression de la durée maximale légale limite d´emploi de 12 mois, la population salariale « atypique « représente fin 2007 de 33,8 % du nombre total des salariés.

Dans ces conditions, il n´est pas étonnant que la masse brute des salaires et traitements n´est progressé que de 4,7 % sur la période de 2004 et 2007, donc à un rythme inférieur à celui du PIB qui lui progresse lui de 9,5 %. En tenant compte de l´inflation, cette évolution revient à une véritable diminution des salaires réels.

Le refus de mettre en place un Salaire Minimum au niveau national ainsi que les mesures

« d´incitation » au travail mises en place par l´Agenda 2010, que ce soit la réduction de la durée des indemnités chômage de 32 à 12 mois ou encore les nouvelles règlementations facilitant les licenciements ou encore la réduction à 41 du nombre de métiers exigeant un brevet professionnel contre 94 auparavant, n´ont pas créé d´emplois supplémentaires mais plutôt stabilisé le nombre des emplois existants en en changeant et la nature et le niveau de rémunération et les bénéficiaires qui viennent en grande partie des chômeurs inscrits, des mères de famille ou et des jeunes sans formation.

On voit ainsi les limites d´une telle politique qui consiste surtout à faire du bricolage à court terme alors que ce type de réponse aurait du être accompagnée par une offensive des qualifications professionnelles de haut niveau permettant à l´Allemagne de mieux préparer sa population active aux défis posés par une économie tournée résolument vers les hautes technologies et les services de l´avenir, la soi-disante économie du savoir.

6- Santé

Depuis 2004 les assurances maladies obligatoires ne sont plus en déficit.

La hausse des cotisations, l´augmentation du ticket modérateur, le contrôle des prestations médicales, la baisse des remboursements, de nouvelles cotisations couvrant les prothèses dentaires (0,40 %) et les indemnités journalières (0,50 %) à la charge des seuls salariés, telles sont les mesures immédiates ayant permis d´assainir les caisses d´assurances obligatoires.

L´augmentation parallèle des recettes de 6,4 % en 3 ans est restée supérieure à celle des salaires bruts. Cette hausse a été supportée entièrement par les ménages, le principe du financement de l’assurance maladie qui reposait avant sur la prise en charge paritaire employés – employeurs ayant de facto volé en éclats.

La diminution et le vieillissement moyen de la population ne manqueront pas de reposer à moyen terme la question d´un traitement plus systématique et plus solide du financement de ce système de protection sociale.

7- Retraites

Le Plan d’urgence mis en place en 2004, qui a conduit les gouvernements Schröder et Merkel à geler les pensions pendant 3 ans, a pu stabiliser la subvention de l´Etat à 55,9 Milliards d Euro en 2007. Les recettes ont diminué en 2005, reflétant désormais les conditions atypiques des travailleurs pauvres de plus en plus nombreux sur le marché du travail, lesquels ne peuvent pas financer par leurs maigres cotisations un niveau de retraite décent. Si elles ont réaugmenté jusqu’à 2007, c’est grâce à la hausse concomitante du taux de cotisations de 19,5% à 19,9% et du plafond de la Sécurité sociale. Ce sera donc aux futures générations de contribuables de payer cette dette implicite additionnelle de l´Etat.

La question des retraites et de leur financement n´a reçu qu´un début de réponse dans l´Agenda 2010, à savoir que l´Etat se dégage de toute responsabilité en tant que garant du niveau des retraites et qu´il invite les futurs retraités à souscrire individuellement à des retraites volontaires et capitalisées. Ces dernières ne pourront suffire à compenser réellement le faible niveau des retraites reversées par les caisses publiques aux « atypiques ». A cette situation s´ajoute le facteur démographique. Entre 2000 et 2007, la population allemande diminue en valeur absolue. Plus inquiétante encore est la diminution de la tranche d´âge de 0 à 15 ans qui fond de quelques 1.500.000 de personnes dans cette période. Les projections démographiques publiées par le conseil des experts partent du principe que la population se situerait en 2020 au même niveau qu’en 2007 pour décliner légèrement à partir de 2030 puis se réduire d´environ 3 million d´ici 2050. Ces projections sont pour le moins très optimistes et semblent avoir l´objectif de ne pas trop affoler l´électorat.

A noter que depuis 2000, la population des étrangers s´est elle aussi réduite de 550.000 personnes.

On conclura que les gouvernements successifs ne voient de solution ni dans l´immigration, ni dans l’intégration des migrants.

8- Famille

Un des facteurs majeurs qui impacte le plus directement la fécondité des femmes réside dans l´accès des enfants à l’école maternelle dès l´âge de trois ans et le développement des cantines et des garderies après l´école : en Allemagne et aux Pays-Bas, par exemple, la scolarisation des enfants est beaucoup plus tardive, les cantines sont rares et les écoles sont souvent fermées l´après-midi, ce qui ne facilite guère le travail des mères. En s´attaquant directement aux tabous culturels très forts en Allemagne et qui voulaient que ce soit aux mères et non à des « étrangers » de s´occuper des enfants (réaction historique à l´embrigadement idéologique de l´Allemagne sous les régimes Nazi puis prosoviétiques), l´Agenda 2010 a fait incontestablement acte de courage culturel et politique. Quatre ans plus tard, il y a désormais consensus au delà les partis pour dire « qu´il faut rattraper ce qui est communément pratiqué par les autres pays européens » (Ministre de la Culture de la Sarre- CDU).

L´Agenda 2010 prévoyait de financer jusqu´à 2007, à concurrence de 4 Milliards d´Euros par an, la mise ne place d´écoles à plein temps ouvertes de 8 h à 16 h. Le nombre de ces écoles est passé de 1000 en 2004 à 7000 fin 2007.

Si la Bavière reste en queue de peloton avec un taux de 4% d´enfants insérés dans ce nouveau système scolaire, les Länder de Berlin, de Hambourg, de Saxe et de Thuringe dépassent aujourd´hui le taux de 30 %.

Cette initiative est donc un succès qui sera reconduit en 2009 selon la Ministre fédérale pour de l´enseignement et la recherche.


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