17 mars 2007

analyse de la liste des candidats

Chers tous,

je remercie ceux qui nombreux m’ont envoyé leurs réflexions et leurs encouragements après mon analyse de la semaine dernière. J’adresse ma sympathie à ceux qui, s’ils partagent mon avis, font un choix électoral différent. Beaucoup ont fait suivre l’analyse, j’y ai vu un encouragement.

J’essayerai autant que possible de fournir une telle analyse de manière hebdomadaire. Elle ne sera jamais neutre, mon engagement est avoué et assumé, je resterai cependant respectueux des opinions et choix de chacun.

Je lis beaucoup depuis 2 mois sur la campagne, j’ai à chaque fois que possible l’occasion de parler avec mes amis allemands de la campagne, pour avoir leur avis externe, très souvent décapant et peu conciliant.

Cette semaine fut riche en événements : retrait de Jacques Chirac, offensive de la gauche, de la droite et de l’extrême-droite contre Francois Bayrou, soupcons de grosses magouilles portés à Nicolas Sarkozy, visite de Bayrou en banlieue (qui m’a marqué profondément), enfin officialisation de tous les candidats et candidates.

Dans mes avis, je parle beaucoup de la forme (manière de faire) et peu du fond (programmes).
Pour la bonne et simple raison qu’un programme ne peut être realise que si la forme est cohérente.

Je pourrais parler de tous ces thèmes, je les aborderai en faisant un tour des candidats :

  • Gérard Schivardi : Parti des travailleurs, candidat des maires. Rien à signaler. Potentiel de voix : 36000, autant qu’il y a de maires.
  • Olivier Besancenot : Ligue Communiste Révulutionnaire. Le facteur n’a pas pris une ride. Son discours et son attitude rafraichissantes sont teintés d’une idéologie dure qui a pour seul but de faire pencher le PS un peu plus à gauche. C’est le vote protestataire “tendance” à gauche. Il sera toujours efficace, tant qu’il n’aura pas de représentant au Parlement de la France.
  • Arlette Laguiller : Lutte Ouvrière. Quelle longévité pour la “camarade” préférée des francais. Outre cette sympathie envers la femme, les francais n’ont rien à tirer d’une candidate, qui, si ses diagnostics des malaises francais sont parfois proches de la réalité, n’a nulle solution cohérente. D’ailleurs, aucun de ses électeurs n’y a jamais cru.
  • Marie-Georges Buffet : Parti Communiste. Passe plus de temps à distiller ses inquiétudes sur la gauche et l’avenir du PC, ainsi qu’à taper sur le social-traitre Francois Bayrou, qu’à faire advancer la réflexion (impossible car teintée d’idéologie). Question que tout le monde se pose : à quoi sert le Parti communiste, qui est sous perfusion socialiste depuis bientôt 10 ans ? Ce ne serait pas si pathétique si le PC n’était pas dans le gouvernement futur de Ségolène Royal. Je ne vois aucun lien commun entre Strauss Kahn et Buffet, mais bon si eux nous disent qu’il y en a, croyons les sur parole.
  • José Bové : on ne présente plus notre militant rural. Que dire ? Le partisan de la résistance civile fait appliquer les lois de la République non par la justice, mais par la force. Si son discours est attrayant, ses actes trahissent un certain irrespect de la démocratie. C’est du populisme de gauche comme il y a du populisme à droite (voir plus loin).
  • Dominique Voynet : Les Verts. Bon a priori les Verts sont unis cette fois-ci. J’ai beaucoup d’affection pour ce parti, étant membre de son homologue en Allemagne. Si ce Parti proposait au lieu de se quereller et arrêtait de teinter son discours d’idéologie gauchiste, peut-être la société francaise serait plus avancée. On ne me fera pas croire qu’il faut être très à gauche pour être écolo. Bonne chance quand meme, on a besoin de l’écologie politique.
  • Frédéric Nihous : Chasse Pêche Nature et Traditions. J’ai aimé le discours courageux de Dominique Voynet chez les chasseurs, c’était bien.
  • Philippe de Villiers : Mouvement Pour la France. J’aime bien ce candidat, car il a un discours clair : chasse aux syndicats, à l’immigré, à l’islamisme, aux socialistes, soutien aux entreprises par un protectionnisme. Il a un bilan correct en Vendée. Je suis profondément choqué par le fond du discours, la forme me plait. C’est pour moi un Sarkozy sans fausse barbe (je reviendrai sur le candidat de l’UMP).
  • Jean-Marie Le Pen : Front National. Toujours le même discours, la même dialectique. Cinquième campagne électorale. C’est un dur de dur. Toujours la meme bave qui sort de sa bouche, mais bon a-t-il le choix ? Le système actuel lui refuse toute representation de son courant dans les instances censées représenter le peuple. Il fera un gros score. Il faut combattre ses idées, non pas en les reprenant, ou dans la rue, mais à l’Assemblée. C’est ainsi que les Autrichiens ont fait reculer de moitié l’extrême-droite. En attendant, il tape sur Francois Bayrou, Le Pen reste le meilleur soutien du bipartisme, leur assurance tous risques. Ni PS ni UMP n’ont intérêt à sa disparition.
  • Ségolène Royal : Parti Socialiste une semaine sur deux, hors du parti l’autre semaine. Son programme s’est limité cette semaine à “Bayrou il est de droite !”. Il faut dire que son Pacte Présidentiel est décrédibilisé car impossible à réaliser : je n’en connais aucune mesure phare si ce n’est une vague impression de logorrhée dépensière. Elle est soutenue à la fois par l’extrême gauche et le centre-gauche de Delors, signe que le PS arrive à bien verrouiller son système politique. Et pourtant son ancien responsable de campagne, M. Besson, deputé PS, tire à boulets rouges sur elle, une élue d’Ile de France PS a déjà quitté Royal pour Bayrou. Le PS ne fera pas l’économie d’une refondation. On ne sait toujours pas avec qui Royal veut gouverner (UDF ou pas ? Camp du oui ou camp du non ? Gauche gauchisante ou sociale-démocrate ?), mais bon, à elle, on ne pose pas la question. L’espoir d’une majorité PS-UDF est vain, la ligne Fabius anti-UDF l’ayant emporté : on ira vers le PC et la LCR en nous faisant croire que Strauss Kahn le fera. L’avantage de Ségolène Royal, c’est qu’elle n’a pas besoin de lever l’ambiguité. Elle peut se permettre d’attendre après son élection. Elle trompera au moins la moitié de ses électeurs. Cela ne changera pas grand chose aux habitudes d’une gauche coutumière du fait.
  • Nicolas Sarkozy : UMP. Le Parti-Etat, qui lamine toute opposition à droite. “Qui n’est pas avec moi est contre moi”. Un discours racoleur, qui devient de plus en plus populiste, et des methodes à la limite de ce qui peut se faire en démocratie. L’UMP ne connait aucune démocratie interne, contrairement au PS, et lamine toute opposition. Lepage (ecologiste), Fillias (libéraux) dénoncent cette hégémonie chez les conservateurs et se sont ralliés à Francois Bayrou, pour sauver le pluralisme. Simone Veil regrette déjà son ralliement, heureusement pour elle sa haine de Bayrou est plus forte. On en est là à droite. Je m’intéresse à la forme (manière de faire) plutôt qu’au fond (programme).

Je vais m’attarder sur Nicolas Sarkozy et relever quelques points qui m’ont choqué cette semaine:

a) Son projet de fichier des sans papiers s’est fait rejeter par le Conseil d’Etat car il n’avait pas consulté la CNIL. Cela témoigne ou d’une profonde incompétence de ses services, ou d’un mépris affiché pour les instances de contrôle des libertés.

b) Il n’a pas réagi au discours de respect des valeurs républicaines tenu par Jacques Chirac. De là à penser que ce sont le cadet de ses soucis, les valeurs républicaines,…

c) Il se sert de l’Etat à son intérêt : les magouilles immobilières à Neuilly montrent une attitude portant à croire que “l’Etat c’est moi”.

d) Il a parlé de “gérer l’Euro” comme “les japonais gerent le yuan” sur TF1. On attendrait d’un futur président qu’il sache que la monnaie japonaise est le yen (le yuan est en Chine). Ajoutons à ca sa sortie sur “chiites et Sunnites sont deux ethnies”, et on est dans ce qu’une amie allemande m’a dit : “on dirait George W. Bush”. Ce qui est navrant, c’est qu’on a descendu Ségolène et ses boulettes dans la presse, et là personne ne bronche. C’est devenu normal de dire des énormités à droite. C’est normal aussi de faire croire aux francais que l’Euro fort est la cause des problèmes francais, alors que les Allemands et Espagnols ont des gros succès avec cette monnaie.

e) L’UMP a menacé une juge d’avoir émis des reserves sur le danger que Sarkozy représentait pour la démocratie (justifiant ainsi les reserves émises)

J’ai beaucoup lu ces derniers temps, et j’arrive à la conclusion que rien n’indique que Sarkozy veuille respecter et le pluralisme (au mieux le bipartisme) et la démocratie avec ses instances de contrôle. Le menace est forte que l’Etat et l’UMP ne fassent plus qu’un, et que la démocratie soit étouffée comme elle l’était sous De Gaulle. Avec TF1 comme nouvelle “Radio-Paris”. Le refus de faire représenter chaque francais à l’Assemblée est significatif. Sous un prétexte d’efficacité démocratique se cache la main-mise d’un parti sur l’ensemble des instances exécutives, démocratiques et de contrôle du pays.

Vous allez me dire : je vais un peu loin. Je pense au contraire que je ne vais pas assez loin. Bayrou disait en 2002 au congrès de l’UMP : “si nous pensons tous la meme chose, c’est que nous ne pensons plus rien”.

Dans ces conditions là, aucune réforme d’ampleur ne peut passer sans provoquer de vives manifestations voire émeutes. Il y a un fort risque au mieux d’immobilisme, au pire d’insurrection.

Sarkozy me fait peur, très peur. Ce n’était pas le cas il y a deux mois, désormais c’est limpide.

  • Francois Bayrou : UDF. Le candidat du “projet d’Espoir” (son livre, meilleure vente de la semaine dernière en librairie) a su réunir sur son projet les candidats des deux petits partis CAP 21 (Corinne Lepage) et Alternative Libérale (Edouard Fillias), pour des raisons non de fond mais surtout de forme, la réforme des institutions pour qu’elles deviennent plus démocratiques semblant désormais un préalable pour beaucoup à la réforme du pays. L’arrivée de Francois Bayrou en banlieue à Saint-Denis a été saluée par des images raffraichissantes. Le candidat de l’Espoir acclamé par une foule en liesse, éberluant la presse étrangère présente (“c’est la première fois qu’un candidat de droite se fait accueillir ainsi en banlieue”) : les reactions de la presse francaise sont dithyrambiques. Pourquoi lui et pas les autres ? Que fait-il de différent ? Entre le Kärcher et la racaille d’un côté, la commisération et l’angélisme d’une politique d’assistanat social de l’autre, il y a une politique d’écoute, de respect mutuel, et de sévérité empreinte de compréhension. Bayrou cristallise le vote anti-Sarko, et rassemble pour lui les nombreux décus de la gauche dans ces ex-banlieues rouges : un vrai programme contre l’exclusion, la réimplantation de l’Etat “là où ca va mal”, la défense de l’école républicaine partout y compris dans les quartiers, tout cela semble plaire. Je pense que c’est plus l’homme qui plait, cette manière de faire qui ne prend pas les gens de haut. Et en même temps ne ferme pas les yeux, reste ferme sur ses valeurs. A un gamin lui disant : “eh M’sieur, vous faites quoi pour les jeunes ?”, il répond “je les envoie à l’école”. L’école, toujours.

Cet événement de campagne aura marqué quelques esprits, le mien en premier. Beaucoup d’entre nous sommes résignés en voyant la banlieue, ses problèmes, ses émeutes, sa jeunesse violente. Nous avons tous fermé les yeux, nous avons laissé monter le lepénisme. L’espoir était parti pour beaucoup que des solutions existent dans les quartiers. L’accueil reservé à Francois Bayrou fut là pour montrer que les Francais pouvaient être réconciliés. L’enthousiasme de ces habitants montre qu’en les respectant, ils accepteront d’avancer dans la République. Bayrou ne suscite pas que l’enthousiasme des “bobos”, enseignants et classes intellectuelles supérieures mais aussi celui d’autres classes sociales diverses.

Nul doute que la vague annoncée par Bayrou prend de l’importance. Le chemin qui est devant lui s’élargit au gré des coups de volant à la fois de la candidate du PS et de celui de l’UMP.

Une voie nouvelle semble s’ouvrir en politique. Et pour paraphraser F. Bayrou dans son “projet d’Espoir”, ca nous changera. Ce chemin est long, très long. On ne vote pas Bayrou sans avoir longtemps réfléchi. Alors que voter PS ou UMP est plus instinctif. C’est l’enjeu de la campagne : à Bayrou de montrer qu’il est le bon candidat. Rocard a déjà dit : “il a la carrure pour être president”.

Alors il y a les sondages : on a vu à longueurs de journaux un sondage marquant Bayrou en recul de 3 points : le CSA avait, la semaine précédente, fait augmenter Bayrou de 7 points. L’institut a donc ajusté. Beaucoup dissent : Bayrou a un électorat volatile. Il a augmenté de 9 points en un mois, c’est logique. Simple arithmétique : en février, les 2 candidats du bipartisme autoproclamé étaient à 32%, avec 60% de vote ferme (source : ipsos) : cela fait 19% ; Bayrou était à 14% avec 34% de votes surs : cela fait 5,5%. En mars, les 2 candidats sont à 36%, avec 70% de sureté dans le vote (source : BVA), soit 19%. Bayrou est lui à 23%, avec 45% de sureté dans le vote, soit 11%. Les 2 candidats n’ont pas avancé d’un poil en 1 mois, Bayrou a pris 5,5%. Il y a une nette dynamique. On le sent en discutant autour de nous. Les francais veulent une Union Nationale, et rejette le système droite-gauche.

Cette dynamique, j’en suis un des moteurs vivant et déterminé.

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